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DISSERTATION, MÉMOIRE, THÈSE

1. Temps et lieux.

Début et fin. Dissertation : XVII^e siècle-aujourd'hui (en1885, la dissertation prend une forme scolaire qui remplace le texte discursif rhétorique). Thèse de doctorat : XIX^e siècle-aujourd'hui. Mémoire de maîtrise : 1966-aujourd'hui.
Lieux. Dissertation : Europe. Mémoire et thèse : là où se donne un enseignement universitaire de niveau supérieur.

2. Auteurs et oeuvres.

Voir les répertoires de mémoires de maîtrise et de thèses de doctorat ainsi que les exemples de dissertations contenus dans les manuels.

3. Définition et fonction dans la société.

Texte académique soumis à sanction, qui doit attester la compétence linguistique, la culture, la maîtrise du sujet et la capacité d'inventer. Il doit être composé et argumenté. L'auteur doit montrer qu'il sait faire progresser sa pensée avec méthode et l'étayer d'exemples bien analysés.

La dissertation est la forme que prend un examen écrit comportant généralement une citation d'auteur à commenter. C'est un exercice contraint, soumis à des règles strictes. La première exigence de la rhétorique de la dissertation est une exigence d'ordre : le texte doit être divisé en parties. Le texte comprend obligatoirement une introduction, un développement se subdivisant traditionnellement en trois parties elles-mêmes divisées en paragraphes et une conclusion.

Mais à l'exigence du classement s'ajoute celle de la progression. Les parties doivent être disposées selon un ordre tel que le lecteur leur accorde une importance croissante. L'essentiel doit être réservé pour la fin (par opposition au plan lombric, où l'essentiel tient dans le premier paragraphe). L'introduction amène et pose un problème, précise sa nature et sa portée puis présente les grandes lignes du développement. La conclusion rassemble les résultats obtenus dans le développement. Elle se termine sur des perspectives, sur un élargissement.

La progression doit de plus être dialectique. L'on examine d'abord une face du problème, puis l'autre, pour finalement les résoudre. A ces trois étapes correpondent les trois parties du plan thèse / antithèse / synthèse, censé convenir à la plupart des sujets.

Une autre exigence concerne le contenu du texte. Tout dans la dissertation doit servir à la discussion. Il faut que tout soit argument, prouve ou réfute. Il faut que tout développement puisse être accroché au problème traité par un lien d'ordre démonstratif. Le développement autonome et la digression sont des fautes. L'idée et l'exemple doivent être orientés, c'est-à-dire adaptés à la démonstration. La structure du paragraphe rend compte de la texture. Le paragraphe comporte trois phases : une partie liante, qui rappelle ce qui précède, une partie qui apporte une contribution au développement et une partie qui ouvre sur le paragraphe suivant.

Le mémoire et la thèse sont régis par une règle négative : ils ne doivent pas être une longue dissertation. Mais les règles apprises par l'étudiant pour la dissertation restent valables pour le mémoire et la thèse de doctorat. Ce sont également des textes impersonnels dont les formes revêtent un maximum de "transparence" (contrairement au discours rhétorisé où l'auteur et le destinataire sont mis en scène). L'auteur et le(s) destinataire(s) sont absents du texte. On ne conseille ni la mise en scène du scripteur ni les références à l'allocutaire.

Le mémoire et la thèse sont des ouvrages scientifiques qui ont comme disposition le mouvement de la recherche ou l'enchaînement du savoir. On distingue un plan de la recherche et un plan de la rédaction. Dans ce dernier, l'ordre reste celui de la composition du texte selon les divisions canoniques : introduction, développement en parties, sous-parties, transitions et conclusion.

Comme celui de la dissertation, l'auteur du mémoire et de la thèse fait usage de la dialectique : il a le souci constant de l'avis contraire. Il sait que ses destinataires pourront critiquer la portée, l'interprétation et la valeur des preuves qu'il avance ou leur rapport avec les problèmes controversés. Il s'agit pour lui d'amener ses lecteurs à se décider en faveur de sa thèse en les conduisant avec ordre et méthode vers des arguments plausibles.

De la dissertation à la thèse, on a une progression vers le jugement tranché. La dissertation et le mémoire ne soutiennent pas de "thèse", ne démontrent pas une proposition. Contrairement à la thèse, dans laquelle on a pris le temps de rassembler toutes les données et d'examiner toutes les hypothèses, ce sont des exercices qui ne favorisent pas les choix tranchés. Dans la thèse, les nuances viennent des mesures exactes qui ont pu être faites sur l'objet de la recherche et non de règles générales de prudence, par exemple.

Le style, dans les trois genres, doit être sobre et éviter les effets esthétiques trop marqués. Le seul effet esthétique que l'on y favorise est la formule brillante, qu'elle prenne la forme de l'antithèse, de la métaphore, de l'oxymore, du chiasme ou même de la paronomase. Ces procédés ne doivent pas constituer un ornement surajouté mais un raccourci intellectuel.

4. Origines et postérité.

Origines.
1) À l'origine de la dissertation se trouve la disputatio médiévale. La dissertation en latine n'apparaît qu'au XVII^e siècle. Elle remplace dans les universités l'ancienne disputatio, ou discussion orale des thèses. La dissertation littéraire française remplace le discours comme exercice scolaire depuis la réforme de 1885, qui supprime l'enseignement de la rhétorique. La dissertation philosophique est en usage dans les lycées depuis 1864.
2) Origine de la thèse de doctorat. Au XIX^e siècle, la thèse comme ensemble de propositions que l'on soutient publiquement dans les universités.prend la forme d'un ouvrage écrit.

3) Origine du mémoire de maîtrise. La dissertation. Le mémoire fut d'abord un recueil de dissertations lues dans une société savante. Ex. : Mémoires de l'Académie des sciences (à partir de 1669), Mémoires de l'académie des inscriptions et belles lettres (à partir de 1717).

Postérité.
Les trois genres sont encore vivants. La dissertation s'est répandue dans les enseignements voisins de l'enseignement littéraire. Vers 1955 en France, le genre de la dissertation s'impose dans l'enseignement. C'est l'exercice de base des khâgnes, des concours de l'E.N.S., du C.A.P.E.S., de l'agrégation, etc. Les universités américaines ne pratiquent plus la dissertation, qui est remplacée par les résumés de lecture, les notes critiques, les discussions et les essais littéraires.

5. Bibliographie.

BOURDIEU, Pierre et Jean-Claude Passeron, le Reproduction. Eléments pour une théorie du système d'enseignement, Paris, Minuit, 1970.
CHASSANG, Arsène et Ch. Senninger, la Dissertation littéraire générale : structuration dialectique de l'essai littéraire, Hachette Université, 1972, c1955.
GENETTE, Gérard, Rhétorique et enseignement, Figures II, Le Seuil, Points, 1969, p. 23-42.
PLOT, Bernadette, Écrire une thèse ou un mémoire en sciences humaines, Slatkine, 1986.
Grand Larousse du XIX^e siècle, articles Mémoire et thèse.
Grand Dictionnaire Larousse, article Dissertation.
Grand Larousse universel, article Mémoire.

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