Informations. | |
Extraits. |
Mort sur le Nil. Brouillard au pont de Tolbiac. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début et fin. 1841 (Meurtres dans la rue Morgue). Encore vivant.
Lieux. Angleterrre, États-Unis, Belgique, France, Allemagne, Italie, Espagne, Mexique, Russie, Finlande, Suède, Japon,
Argentine, Brésil, etc.
Edgar Poe, Meurtres dans la rue Morgue, 1841, le Mystère de Marie Roget, 1842-1843, la Lettre volée, 1845.
Émile Gaboriau, l'Affaire Lerouge, 1866, le Dossier 113, 1867, le Crime d'Orcival, 1867, Monsieur Lecoq, 1869, la Corde
au cou, 1873.
Charles Dickens, le Mystère d'Edwin Drood, 1870.
Fortuné de Boisgobey, la Vieillesse de M. Lecoq.
Conan Doyle, Une étude en rouge, 1887, le Signe des quatre, 1890, le Chien des Baskerville, 1902, la Vallée de la peur,
1915 (cycle de Sherlock Holmes : 1887-1927).
Jules Verne, les Frères Kipp, 1902, Un drame en Livonie, 1904.
Maurice Leblanc, l'Arrestation d'Arsène Lupin, 1905.
Austin Freeman, l'Empreinte rouge, 1907.
Gaston Leroux, le Mystère de la chambre jaune, 1907, le Parfum de la dame en noir, 1909.
Gilbert Keith Chesterton, la Sagesse du père Brown, 1910.
Pierre Souvestre et Marcel Allain, Fantômas, 1910-1914.
Agatha Christie, la Mystérieuse Affaires des Styles, 1920, le Meurtre de Roger Acroyd, 1926.
S. S. Van Dine, la Mystérieuse Affaire Benson, 1923, l'Assassinat du canari, 1927.
William Riley Burnett, Petit César, 1929.
Dashiel Hammet, Rouge Moisson, 1929, le Faucon maltais, 1930.
Georges Simenon, Pietr le Letton, 1931.
Francis Iles, Complicité, 1931, Préméditation, 1932.
James Cain, le Facteur sonne toujours deux fois, 1934.
John Latimer, Quadrille à la morgue, 1936.
Horace Mac Coy, Un linceul n'a pas de poches, 1937.
Hadley Chase, Pas d'orchidées pour miss Blandish, 1939.
Raymond Chandler, le Grand Sommeil, 1939, Adieu ma jolie, 1940, la Grande Fenêtre, 1943, Fais pas ta rosière, 1949,
Charade pour les écroulés, 1958.
Léo Malet, 120 rue de la gare, 1943.
William Irish, Lady Fantôme, 1942, la Sirène du Mississipi, 1947, J'ai épousé une ombre, 1948.
Hubert Monteilhet, les Pavés du diable, 1964.
Dominique Fabre, Un beau monstre, 1968.
Louis Thomas, les Écrits restent, 1969.
Jean-Patrick Manchette, l'Affaire N'Gustro, 1971, Nada, 1972, la Position du tireur couché, 1981.
Jean Vautrin, A Bulletins rouges, 1973, Billy-ze-Kick, 1974.
Jaouen, la Mariée rouge, 1979.
Siniac, la Câline inspirée, 1981.
Delacorta, Diva.
Didier Daeninckx, Play-Back, 1984, le Bourreau et son double, 1986.
Le terme "polar" est né en France dans les années 1970 de "policier" et d'un suffixe argotique pour désigner un film policier puis, plus généralement, un film ou un roman policier. Il peut être employé comme terme générique englobant les termes plus spécifiques "roman policier" (apparu en France en 1890), "roman à énigme", "roman noir" ou "hard boiled", "roman à suspense", "néo-polar", etc., qui correspondent à différentes formes du genre.
Le roman policier classique (période comprise entre Conan Doyle et Agatha Christie) est appelé "roman à énigme", "roman- problème" ou "roman-jeu". Il propose au lecteur de résoudre une énigme criminelle. C'est un rébus sous forme narrative. L'une des règles du genre veut que le lecteur et le détective aient des chances égales d'élucider le mystère. L'auteur présente le résultat (le plus souvent un meurtre) avant la cause (le coupable) et distille les indices minutieusement dosés tout au long du récit afin de permettre au lecteur d'élaborer lui-même le travail d'élucidation que mène l'enquêteur. Tout dans le roman à énigme doit être fonctionnel : en sont par exemple bannies les descriptions et les analyses psychologiques qui ne sont pas régies par les besoins de l'intrigue ainsi que les intrigues amoureuses, susceptibles de détourner l'attention du lecteur de l'énigme, de déranger le mécanisme du problème intellectuel.
Le héros est le détective. C'est un génie de la déduction doué d'un don d'observation exceptionnel, d'une minutie frisant la maniaquerie; il est courtois et rigoureux, mais extravagant et plein de bizarreries. Il agit peu, mais apprend. Rien ne peut lui arriver : une règle du genre postule l'immunité du détective.
La solution est inattendue mais logique. Le processus de détection est divisé en plusieurs étapes et fait appel au raisonnement. L'enquêteur, face à l'énigme du cadavre, commence un travail d'observation et d'interrogations. Il enregistre tous les aspects du lieu du crime, du comportement des suspects et de leurs réactions verbales à ses premières questions. Il élabore une hypothèse de travail qui lui permet de conduire les interrogatoires vers un but de plus en plus précis. Il intercale des phases de consultation, en discutant soit avec un collaborateur (souvent borné) soit avec lui-même. Il passe à la conclusion en exposant les mobiles et le déroulement du crime et oblige l'assassin à se démasquer et à admettre sa culpabilité.
C'est un roman (vs le roman d'aventure) qui exige une société fermée (le goupe familial ou professionnel, le lieu géographique étroit, le groupe isolé arbitrairement : chemin de fer, paquebot) aux rites élaborés (vs le roman picaresque, ouvert à tous les possibles romanesques).
La position narrative est la focalisation : le narrateur ne peut pas, par définition, être omniscient; chaque fait est perçu à travers un personnage-point de vue. Le récit prend souvent la forme de mémoires. L'histoire est souvent racontée par un ami du détective. Le sujet du livre est moins "ce qui s'est effectivement passé" que "comment le narrateur en a pris connaissance".
Le style doit être transparent; la seule exigence à laquelle il obéit est d'être simple, clair, direct.
Aux formes relativement figées du roman-problème s'oppose la structure plus perméable du "roman noir", né aux États-Unis après la deuxième guerre mondiale. Là le meurtre ne sert pas de déclencheur obligatoire aux opérations du détective. Il a lieu au cours du récit. La structure n'est plus rétrospective mais prospective. Il n'y a pas de point d'arrivée à partir duquel le narrateur embrasserait les événements passés; le lecteur ne sait pas si le héros survivra. Celui-ci a perdu son immunité : il se fait blesser, risque sans cesse sa vie. Il est intégré à l'univers des autres personnages, au lieu d'être l'observateur indépendant des romans à énigme. Pour le lecteur, l'intérêt n'est plus la curiosité (qui veut aller de l'effet à la cause) mais le suspense : l'attente angoissée de ce qui va arriver.
L'énigme et le mystère ne jouent plus qu'un faible rôle dans le roman noir, qui lui a substitué l'action. L'acte criminel, éludé par le roman-problème, est ici susceptible de représentation. Le coupable est tôt démasqué. L'intérêt du lecteur ne porte que secondairement sur un problème à résoudre. Il s'attache principalement à la tension dramatique. Le roman noir se rapproche en ce sens du roman d'aventure : il ne s'agit plus d'identifier les coupables mais de les capturer, de les mettre hors d'état de nuire. Il s'ensuit bagarres, fusillades et filatures en séries.
Le roman noir trouve encore son originalité dans ses thèmes. C'est autour de constantes thématiques qu'il se constitue : la violence, le crime souvent sordide, la passion désordonnée, la haine, l'amoralité des personnages. Le crime prévaut sur l'enquête, qui n'est souvent qu'un prétexte à la peinture de la corruption des milieux urbains. L'énigme ponctuelle provoquée par le meurtre sous- tend une problématique plus générale, un état de dégradation de la société que l'enquête a pour tâche de mettre à jour. De divertissante, la littérature policière devient engagée. La description des milieux de malfaiteurs, l'analyse des circonstances psychologiques et sociales remplacent le jeu du "qui a tué?".
Alors que le roman policier classique semblait figé dans le manichéisme, le roman noir juxtapose des incarnations d'un monde négatif, le gangster et le "privé". L'éthos des personnages baisse. Le héros n'est plus un détective distingué, c'est un hard boiled, un "dur à cuire", solitaire, violent, désabusé, grossier et se trouvant souvent à la limite de la légalité. Il ne résout plus les énigmes de son bureau mais arpente les quartiers mal famés. Le criminel est souvent un professionnel (le tueur à gages) qui ne tue pas pour des raisons personnelles. C'est souvent un policier.
Le roman noir renoue avec les modes d'écriture traditionnels de la littérature fictionnelle. Le développement narratif ne s'oriente pas en ligne continue mais admet des variations rythmiques, l'enchaînement d'épisodes relativement clos et l'insertion d'unités descriptives.
Le détective-aventurier évolue dans un environnement topographique et sociologique diversifié. Son enquête devient ainsi un témoignage sur la spécificité d'une communauté humaine, d'un espace urbain, d'un processus écologique et politique. L'investigation fournit presque toujours un supplément de connaissances à travers une vision insolite et un discours dénonciateur.
Certains traits de style appartiennent en propre au roman noir. Le héros est un marginal, un déraciné; il comprend la gamme entière des sociolectes. L'ouverture du roman noir aux registres de l'oralité et à tout un style de la sobriété et de l'immédiateté prend ici son origine.
Le roman noir américain a suscité en France, alors que la source américaine commençait à se tarir, la naissance du "néo- polar" (terme inventé pour le différencier de la production antérieure par Manchette) à la fin des années 1970. Produit de l'esprit révolutionnaire et anarcho-gauchiste de mai 68, roman de la révolte et de la dénonciation des inégalités sociales, du racisme, des "magouilles" politiques et des bavures policières, le néo- polar se moque que le crime soit élucidé et que justice soit faite. Le crime n'est plus nécessaire, le suspense naît tout entier de la réalité sociale. De nouveaux auteurs comme Manchette, Siniac, Jaouen, Delacorta, Alexandre Varoux et surtout Michel Lebrun bouleversent les règles du genre. L'histoire se modifie, change de décor, rôde autour des H.L.M., s'intéresse aux chômeurs, aux écologistes, prend pour héros des terroristes ou des C.R.S. et pour thème, par exemple, le passé du secrétaire général d'un grand parti de gauche.
Indifférent aux modèles et aux catégories, le néo- polar mêle roman psychologique et roman d'espionnage, chronique politique et chronique sociale.
Origines.
1) Oedipe roi, Sophocle. Oedipe mène l'enquête sur un crime ancien, l'assassinat du roi de Thèbes.
2) Zadig, Voltaire. Le héros y reconstitue, à partir des traces dans le sable, le signalement de la chienne de la reine.
3) La révolution industrielle et le positivisme. L'accroissement de la population ouvrière dans les villes effraie. Les Mystères
de Paris d'Eugène Sue (1842) traduit la peur provoquée dans la bourgeoisie par le glissement de la "classe laborieuse" à la
"classe dangereuse". La police devient garante de l'ordre politique et de la propriété. Un personnage apparaît : le policier
triomphant non plus par la force mais par le raisonnement. Dubois, préfet de police de l'an VIII, est le fondateur de la "police
scientifique". C'est Poe qui comprit le premier la leçon. Le Sherlock Holmes de Conan Doyle est le fils du positivisme qui
domine la seconde moitié du XIXe siècle. Rouletabille expose à toute occasion son système: "la droite raison". Celle-ci fait
appelle à une imagination exceptionnelle, mais toujours vraisemblable, pour expliquer l'impossible.
4) Les attentats. En 1892, la France est touchée par une vague d'attentats. Des noms comme Vaillant, Ravachol, Bonnot
deviennent familiers au public. En 1910 est créé Fantômas.
6) Oeuvres fondatrices : E. T. A. Hoffmann, Mademoiselle de Scudéry, 1819; A. Feuerbach, Description de crimes
étranges, 1828; Vidocq, Souvenirs, 1828; Balzac, Une ténébreuse affaire, 1841; Pierre-Alexis Ponson du Terrail, les
Aventures de Rocambole, à partir de 1859; Paul Féval, les Habits noirs, 1863; Hugo, les Misérables, 1862. Le roman-
feuilleton (engouement pour les personnages de brigands jusqu'en 1860).
7) Le roman noir anglais (fin du XVIIIe) annonçait le roman policier par son goût du mystère.
Postérité.
1) Le roman d'espionnage. Variante politique du roman policier. Né dans l'entre-deux-guerres, il connaît un essor à partir de
1945 avec la guerre froide, la montée du communisme et l'angoisse de l'ère atomique. Auteurs : Éric Ambler, John Buchan,
Ian Fleming, Gérard de Villiers.
2) Le thriller apparaît dans les années 1920 sous l'influence du roman noir américain et du cinéma. Auteurs : William Irish,
Lady fantôme, 1942, Fenêtre sur cour, 1945; Boileau-Narcejac, Mary Higgins, Stephen King.
3) Le thriller psychologique. Patricia Highsmith. Récit dépourvu d'énigme et d'élucidation. Le coupable est connu dès les
premières pages. L'on s'intéresse non pas au crime mais au criminel, au mobile, à ses réactions.
4) Survivance du roman policier. En France, le genre s'épanouit depuis les années 1980. Nouveaux auteurs : José-Louis
Bocquet, Maurice Dantec (la Sirère rouge, 1993, les Racines du mal, 1995), Jean- Hugues Oppel. L'une des
caractéristiques du roman policier actuel repose sur la disparition des frontières entre les genres. Polar à tendances
ethnologiques (Tony Hillerman), historiques, psychologiques (P. D. James, Ruth Rendell), littéraires (Donna Tartt, Amanda
Cross). Les romans noirs, les romans d'atmosphère ou contestataires ont tendance à se confondre. C'est à la psychologie que
la plupart des auteurs font la part belle. Chez Ruth Rendell, tout le suspense tient à la psychologie des personnages. René
Belleto, l'Enfer, 1986.
5) Au cinéma.
- Le film policier. En 1908, Victorin Jasset adapte au cinéma la série des Nick Carter, détective (de Coryell, 1884).
Commence alors la vague des films à épisodes (comme les Fantômas de Louis Feuillade, 1914) - Le film de gangsters. Josef
Sternberg, les Nuits de Chicago, 1927.
- Le film noir. Marcel Carné, Quai des brumes et Hôtel du nord, 1938.
- Le thriller. Alfred Hitchcock, Trente-neuf marches, 1935, Psychose, 1960; Louis Malle, Un ascenseur pour l'échafaud,
1957; François Truffaut, Vivement dimanche!, 1983.
6) Le polar en BD. Chester Gould, Dick Tracy, 1931.
Edgar-Pierre Jacobs, le Secret de l'Espadon, 1948.
7) Le Cluedo, jeu de société dans lequel chaque participant est en situation d'enquêteur.
BENVENUTI, S., Rizzoni, G. et M. Lebrun, le Roman criminel, Nantes, l'Atalante, 1982.
BOILEAU-NARCEJAC, le Roman policier, PUF, collection Que sais-je?, 1975.
DULOUT, Stéphanie, le Roman policier, Toulouse, Milan, 1985.
LITS, Marc, le Roman policier : introduction à la théorie et à l'histoire d'un genre littéraire, Liège, 1993.
TODOROV, Tzvetan, Typologie du roman policier, in Poétique de la prose, Le Seuil, 1971, p. 55-65.
VANONCINI, André, le Roman policier, PUF, collection Que sais- je?, no1623, 1993.
Dictionnaire des littératures, Larousse, 1986, article Policière (littérature).
Encycopaedia Universalis, article Roman policier.
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