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LE ROMAN COURTOIS

Informations.
  1. Temps et lieux.
  2. Auteurs et oeuvres.
  3. Définition et fonction dans la société.
  4. Origines et postérité.
  5. Bibliographie.
Extraits. Le Bel Inconnu.
Ivain.
Procédés typiques. Ingrédients.

1. Temps et lieux.

Début et fin. 1150-1250 environ.
Lieux. France.

2. Auteurs et oeuvres.

- La "triade classique".
Le Roman de Thèbes (vers 1150).
Enéas (vers 1160).
Benoît de Sainte-Maure, le Roman de Troie (vers 1160).

- Le roman breton.
Béroul et de Thomas (contemporain ou légèrement antérieur), Tristan et Iseult (1170-1190).
Chrétien de Troyes (1135-1181), Erec et Enide (1170), Cligès (1176), Lancelot, ou le Chevalier de la charette (1177-1181), Yvain, ou le Chevalier au lion (id.), Perceval, ou le Conte du Graal (amorcé après le 14 mai 1181).

- Le roman byzantin.
Gautier d'Arras, Eracle (peu après 1164), Ille et Galeron (peu après août 1167).

- Le roman idyllique.
Floire et Blancheflore (1170) Aucassin et Nicolette (premier tiers du XIIIe siècle).

3. Définition et fonction dans la société.

Récit de longue haleine (vs le lai et le fabliau) souvent en vers octosyllabiques à rimes plates, écrit par un clerc, mettant en scène des exploits de chevaliers et des aventures amoureuses. Le héros est un preux, mais il n'a plus de mission ni de fonction essentielle: l'amour est la grande affaire de sa vie. Le roman reflète une vie de cour délicate, à l'abri du besoin, et exprime une conception aristocratique de l'amour (la fin'amor).

Il s'adresse à un public cultivé dont il flatte le goût littéraire (allusions à d'autres héros romanesques, decriptions d'objets d'arts où sont représentés des épisodes romanesques, etc.), et plus particulièrement aux dames. Le texte n'est plus chanté (comme la chanson de geste) mais vraisemblablement lu, à haute voix, en petit comité, dans la chambre des dames.

Il n'exalte plus une collectivité, mais invite à l'évasion : la chanson de geste prenait son inspiration dans la "matière de France", le roman se nourrit de la "matière antique" (la "triade classique") et de la "matière de Bretagne" (Tristan, les romans de Chrétien de Troyes).

La naissance de ce nouveau genre est à mettre en rapport avec une évolution de la société, caractérisée notamment par l'influence grandissante des femmes et le développement de l'éthique courtoise. Il incarne un rêve de bonheur, un sentiment de force, la volonté de triompher d'un mal. Il a pour fonction sociale de sceller, par le moyen d'une adhésion à un ensemble de valeurs (de beauté et de sentiments) la communauté de la cour (Zumthor 1972).

4. Origines et postérité.

Origines.
- Origines de la fin'amor.
1) Poèmes d'Ovide (Ars amandi et Remedia amoris);
2) Tradition cléricale remontant au haut moyen âge : correspondances plus ou moins amoureuses entre hommes d'Eglise et moniales (cf. liaison d'Abélard et Héloïse, 1118-1120).
3) Poésie latine des vagants ou goliards, où les thèmes érotiques apparaissent dès le XIe siècle;
4) Influence musulmane (et plus spécialement andalouse) : poésie arabe inspirée par le mysticisme soufi.
5) Chansons de geste, dont le roman courtois se distingue. La courtoisie est une réaction contre les valeurs véhiculées par la chanson de geste (mépris des attachements féminins, indifférence à la volonté de la femme, impudeur de la parole).
- Origines du roman courtois.
1) Les grands récits, mythologiques ou historiques, de l'Antiquité (l'Enéide, de Virgile, les Métamorphoses d'Ovide, la Thébaïde de Stace) fournissent sujets, style, procédés d'invention, images, types de personnages.
2) Histoires et légendes d'origine celtique, baignées de merveilleux païen et de ferveur chrétienne, diffusées par les bardes gallois. Les thèmes de ces récits sont présents dans le Roman de Tristan et les romans de Chrétien de Troyes (qui donne au mythe du Graal sa signification chrétienne et qui, en l'associant à la légende arthurienne, a permis la naissance, au XIIIe siècle, de grands romans religieux attachés au cycle breton).
3) Le roman grec. Le seul roman grec connu (sous forme de traduction latine principalement) au moyen âge est Apollonius de Tyr. On voit son influence sur le roman la Fille du Comte Pontieu, sur les romans idylliques Floire et Blancheflore et Aucassin et Nicolette.
4) Littérature byzantine et orientale. Aimon de Varennes déclare avoir ramené de Philoppopoli le sujet de son Florimont (1188). Influence des Mille et une nuits sur l'Eracle de Gautier d'Arras.
5) Poésie courtoise. Poésie lyrique musicale qui exalte la fin'amor.

Postérité.
- La prose (XIIIe).
L'octosyllabe est au Moyen Âge la forme poétique la moins marquée. C'est la prose du XIIe siècle. Le glissement vers la prose proprement dite se fera au XIIIe siècle, la prose sera alors l'une des caractéristiques du genre romanesque.
Le "dérimage" (= mise en prose de romans préexistants en vers). Ex. : le Tristan en prose (1225-1250).
Les romans en vers du XIIe siècle constituent un trésor où puiseront les romans en prose jusque dans le XVIe siècle. Agents, motifs, procédés d'enchaînement vont être adaptés aux dimensions de la prose désormais sans limites. Tendance à la cyclisation, autour d'agents traditionnels et de types (cf. la chanson de geste, dans la seconde moitié du XIIe siècle, constitution de cycles, à partir des chansons primitives, la laisse s'allonge et la longueur de la chanson augmente).
Mais le vers résiste dans le roman. La prose fait son apparition dans le roman au XIIIe siècle, mais à la fin du XIVe siècle encore, Froissart rime son Méliador sur le modèle hérité de Chrétien de Troyes.

- La postérité du genre.
Le roman connaît une évolution et une diversification, prenant des couleurs diverses, réaliste avec le Roman de la rose de Jean Renart, allégorique et didactique avec le Roman de la rose (vers 1230) de Guillaume de Lorris et de Jean de Meun (1270-1285), mystique et religieux avec la Quête du saint Graal et les grands ensembles cycliques en prose , le Didot-Perceval et le Lancelot- Graal.
Le roman courtois imprègne de ses thèmes les dernières chansons de geste.
Les romans de chevalerie des XVe et XVIe siècles sortirent de la plume des compilateurs. Mais, dès 1230-1260, l'"aventure" a perdu son sens existenciel, elle se réduit soit à un enchaînement de symboles (la Quête du Graal) soit à une suite d'anecdotes curieuses.
En Allemagne, le roman courtois connut une grande vogue au XIIIe siècle, avec Hartman von Aue (Erec et Iwein), Wolfram von Eschenbach (Parzival, entre 1200 et 1212), Ulrich von Zatzikoven (Lanzelet) et Gottfried von Strassburg. Mais l'on n'a pu déterminer l'exacte relation de ces textes et les textes français correspondants. Il en va de même pour les romans norvégiens du XIIIe siècle. Il semble qu'il y ait sources communes (sous la forme de contes populaires celtiques) et développement divergent (Zumthor 1972, p. 483).
Zumthor, 1972, p. 370 : La fiction romanesque médiévale a peu de traits communs avec celle qui prévaudra dans des récits ultérieurs. Elle est tournée sur elle-même, sans souci de refléter autre chose que ses propres jeux.

5. Bibliographie.

AUERBACH, Erich, "Les aventures du chevalier courtois", in Mimésis, Gallimard, 1968, p. 133-152.
COHEN, Gustave, le Roman courtois au XIIe siècle : les origines du roman, Paris, Centre de documentation universitaire, 1964.
COULET, Henri, "le Roman aux XIIe et XIIIe siècles", in le Roman jusqu'à la Révolution, Paris, Armand Colin, 1967.
RIBARD, Jacques, "Aux origines du roman français : le roman au XIIe siècle", in le Genre du roman, les genres de romans (actes de Colloque), PUF, 1980.
ZUMTHOR, Paul, Essai de poétique médiévale, Le Seuil, 1972.

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