Module 4. Les genres spontanés, naturels. 70 interactions. 35 QCM.

En alternance avec des modules plutôt abstraits, qui préparent à la dissertation, il y aura quelques modules sur les genres. Même ceux qui ne sont pas littéraires prennent occasionnellement une place dans les oeuvres littéraires pour y apporter du concret, de la vie; de la réjouissance. Les applications finales ne nécessitent pas de préparation mais on les situera déjà dans le domaine.

Le cri, l'interjection.

En partage avec le monde animal, comment le cri peut-il être considéré comme un genre! Et cela en dépit même de sa brièveté?!

Sans doute fut-il, aux temps préhistoriques, le seul genre pratiqué. Il fut donc le tout premier. Mais est-il encore en usage?
Réaction 1


Certes. Même le simple bruit, le bruit humain a fortiori, est plus que jamais à la mode, surtout dans la bande dessinée (...Tchaoum. Snif! Tchoum. Troooon. Tchaar. Bradabang. Scratch. Paf. Peng. Krakkraak. Spooïng. Klang Laga lang lang.Klingling ling ling). Les possibilités sont illimitées.

N'est-ce pas ce que la grammaire appelle interjection?
Réaction 2


L'interjection proprement dite est un bruit codé, une onomatopée, mais entrée dans l'usage d'une langue. La liste que voici, des interjections onomatopéiques, pour le français, n'est pas exhaustive, et un peu archaïque.
Acré. Ah. Aïe.. A-reu. Badaboum. Bah. Beuh. Berk (ou Beurk). Bigre. Bing. Bof. Boum. Bran. Bravo. Broum. Brrr. Chut. Clac. Clic.. Crac. Eh. Eh bien. Euh. Fi. Floc. Flop. Guili guili. Ha. Han. Hé. Hein. Hélas. Hem. Hep. Heu. Hi hi. Ho. Holà. Hop. Hou. Houp. Hue. Kss-Kss. Là. Las. Oh. Ohé. Ouais. Ouf. Ouiche. Oust(e). Paf. Pan.. Peuh. Pif. Pouah. Ploc. Plof. Plouf. Pouf. Poum. Prout. Psitt. Sniff. Splash. Ta, ta, ta. Tralala. Vlan. Vroum. Zut.


Voudriez-vous la compléter?
Réaction 3


Oups?! Wow! Et une aspiration de l'air à travers les dents qui veut dire aïe!

En outre, bon nombre de mots-phrases jouent le même rôle. Ce sont des exclamations d'origine lexicale (à moins que ce ne soient des lexicalisations de bruits). Comment les appeler exactement?
"Rien à faire." Dans cet exemple, on reconnaît ________.
1 un monorème
2 une phrase binaire (deux membres)
3 une phrase uninaire (un seul membre)
4 une holophrase
Réaction 4


Voici une liste, un peu ancienne déjà, d'holophrases devenues idiomatiques (passées dans la langue).
Allez. Allons Arrière. Attention. Avant (en avant).Banco. Bas (à bas). Baste. Bénédiction. Bernique. Bien (eh bien). Blague (sans blague).Bon. Bon Dieu. Bonté (bonté du ciel, bonté de Dieu, bonté divine).Bordel. Boufre. Bougre. Ça (or çà). Caca. Casse-cou. Chiche. Chiotte. Ciel. Comment (et comment). Crénom. Crotte (crotte de bique). Dame (dame oui, dame non).Debout. Diable. Diantre. Dieu (bon, grand, juste Dieu, mon Dieu, vingt dieux, mille dieux, etc.) Dis donc. Dites donc. Doucement. Exemple (par exemple). Fichtre. Flûte. Foutre. Foi (ma foi). Foin (de). Gai. Gare. Grâce. Gué (ô gué).Halte. Hardi..Hors (d'ici). Hourra. Malepeste. Mâtin. Mazette. Merde. Mince. Minute. Miséricorde. Morbleu. Motus. Nom (de...) Oeil (mon oeil) Paix. Parbleu. Pardi. Pardieu. Pardon. Patatras. Patience. Peste. Pécaïre Plaît-il. Plaît (s'il vous plaît).Putain. Qui va là. Qui vive. Quoi (eh quoi). Salut. Saperlotte. Sapristi. Seigneur. Si. Silence. Stop. Tant mieux. Tant pis. Sus. Tiens. Tonnerre (de Brest, de Dieu). Tope-là. Tout beau. Tout doux. Tudieu. Va. Va donc. Vivat. Voyons.


Quel usage pourriez-vous faire de ces holophrases devenues interjections? Aucun? Et quelles seraient aujourd'hui les holophrases à la mode?
Réaction 5


Ces actes de parole codés, très directs, servent dans les dialogues mais ils ne sont pas assez explicites pour jouer un rôle dans du texte suivi. Il ne peuvent trouver tout leur sens qu'en situation.

Le juron, l'injure.

Les jurons, dans toutes les cultures, sont frappés d'interdit. Et pour cause : ils rejettent les interdits. De préférence les plus officiels, ou les plus sacrés : Mordieu (par la mort de dieu; déguisé souvent en morbleu); palsambleu, par le sang de dieu.

Ils relèvent souvent des registres scatologique et sexuel : tout ce qui a trait au corps et à ses fonctions (digestion, reproduction, etc.) est considéré comme bas. Putain de merde employé comme juron, exprime avec force des sentiments négatifs (colère, dégoût) pour dévaloriser ou, par antiphrase, pour valoriser. Plus la censure est forte, plus grand le pouvoir de trangression. Il se crée alors des formules détournées qui institutionnalisent le juron. C'est le cas de Je renie Dieu qui est devenu jarnidieu, jarnigué, jarniguienne, jarnibeu, jarnibleu, etc. Des centaines de jurons ont été créés par déformation, combinaison, substitution, troncation, etc. On combine le sacré et le grossier par exemple (Bordel de nom de dieu). Quel est le rôle du juron?
Réaction 6


Le juron, conformément à son origine (jurer, c'est attester de droit), joue un rôle d'authentification (on a dit aussi jurement, on dit aujourd'hui serment). Il donne plus de poids mais aussi une garantie de sincérité aux propos. Il a pris le sens de blasphème (sacre en québécois). Qui intègre des jurons dans son discours affirme son indépendance et sa liberté de pensée en proclamant comme principe le refus de se soumettre aux principes, à ce qu'on veut lui imposer de dire.

Mais le plus souvent le juron ne fait qu'indiquer que l'on parle au niveau de ses passions. On libère un excès d'intensité affective. On jure sous le coup de la colère, de la surprise, de la joie, etc. On jure pour se défouler, pour se soulager. Le juron peut ainsi être considéré parfois comme une sorte de thérapie pour celui qui l'emploie.

Le Père Ubu, goinfre ridicule, entre en scène et regarde de travers la Mère Ubu. Son premier mot est un juron: "______!"
1 Maudite merde
2 Zut, bren
3 Merde
4 Merdre


Importe-t-il de choisir soigneusement ses jurons?
Réaction 7


Nullement. Le choix du juron est arbitraire. N'importe quel juron peut être employé n'importe quand. Le juron est le plus souvent vidé de son sens et devient une espèce de passe-partout. Quand on utilise un juron pour exprimer une émotion, c'est parce qu'on ignore le mot juste. Pauvreté de vocabulaire chez le locuteur.

Y a-t-il des circonstances où il serait malvenu de jurer?
Réaction 8


Il y a des lieux où l'on n'a pas le droit de jurer (lieux publics, estrades, micro) et où cela retrouve le poids et le sens originels de transgression et de scandale. On jure plus dans les milieux populaires que dans les milieux aisés. Probablement parce que la vie y est plus dure. Le juron est lié à la difficulté, à la contrariété, à l'échec. Voilà de quoi orienter l'utilisation éventuelle de ce genre «bas» (Aristote) dans vos textes. Il s'agira, soit de frapper fort, soit de faire parler un personnage fruste, ou peu recommandable.

Du juron à l'injure, il n'y a qu'un pas. Mais l'injure est un outrage, elle est contraire au droit. Le mot désignait un dommage causé (XVIIe siècle). Aujourd'hui, il ne s'agit plus que de parole blessante (insulte).

"Chien!" Le mot, lancé avec énergie, résonna dans la ruelle obscure. Qui l'avait proféré, et pourquoi?
1 Une mémé appellait son toutou.
2 Une mégère insultait son mec.
3 Une élève de l'école d'art dramatique faisait des exercices d'articulation.
4 Un chien se présentait à la porte et voulait se faire ouvrir.


Y a-t-il des points commun au juron et à l'injure? Et des points distincts?
Réaction 9


Un juron peut être associé à une injure (Nom de Dieu, bande de cons, que se passe-t-il?). Il y a de l'agression dans les deux cas. Mais, alors que le juron est une réaction devant une situation, l'injure au contraire s'adresse à une personne dans le but avoué de la blesser. Elle est composée d'un ou plusieurs mots employés d'une manière imagée et relevant souvent des registres scatologique et sexuel, elle aussi.

Il y a deux grands types d'injures: le vocable isolé (ex.: con, salopard, cocu, etc.) et la locution injurieuse (ex.: "Va te faire enculer"). Elle se présente comme un acte de parole, et non comme une simple assertion : elle agit sur quelqu'un, elle a un caractère illocutoire.

Quand se permet-on d'envoyer des injures à quelqu'un?
--- La charité, mon bon monsieur? --- Va te laver! Cette injonction est ________.
1 une injure
2 un conseil
3 une exhortation
4 un ordre
Réaction 10


On injurie quelqu'un parce qu'il ne nous comprend pas, qu'il nous contrarie, qu'il ne nous écoute pas, qu'il nous a fait du tort, etc. La fonction de l'injure est d'accoler à son destinataire une image dévalorisée, qui nous soulage du manque d'estime dont nous avons souffert de sa part. Celui qui injurie se sert des défauts ou des failles (la plupart du temps imaginés plutôt que réels) du destinataire. L'injure est excessive et approximative. Comme la caricature, elle déforme la réalité. On se contente le plus souvent d'injurier in petto précisément parce qu'on sent bien que l'injure provient d'un problème personnel. Dès lors, tournant sur elle-même, l'injure a tendance à se répéter, à se détacher de la réalité. Pour se détacher de la haine (frustration, manque d'amour), elle peut prendre un caractère ludique. (Voir les litanies d'injures du capitaine Hadhoc : «paltoquet, maraud, sapajou, moule à gaufres»).

André: --- Ce ne serait pas toi qui m'aurais dénoncé? Julie: --- Idiot: je t'aime! Dans ce dialogue, idiot est une ______.
1 dénégation
2 provocation
3 caractérisation
4 (Autre chose)
«Je vous le dis, petits bonshommes, couillons de la vie, battus, rançonnés, transpirants de toujours, je vous préviens, quand les grands de ce monde se mettent à vous aimer, c'est qu'ils vont vous tourner en saucissons de bataille.» (Céline, Voyage au bout de la nuit).
1 Caricature.
2 Outrage.
3 Sarcasme.
4 (Autre chose)


Ces deux genres sont devenus de simples procédés, utilisables dans le cadre de genres plus évolués, les conversations, les saynètes, la comédie, le guignol.

Mais poursuivons la revue des genres brefs.

Les graffitis.

Inscriptions ou dessins, les signatures de gang aux coins des rues et des terrains vagues sont des prises de possession de territoires, pour les commerces illicites. Ces graffitis sont répétitifs et stylisés. Leur ampleur parfois témoigne de la puissance de l'Organisation, si marginale qu'elle reste. Comme genre expressif, sont-ils spontanés ou pratiques?
Réaction 11


Les signatures de gang sont des graffitis trop soignés pour être spontanés, et d'ailleurs, ils sont faits sur commande. Leur fonction les fait plutôt entrer dans les genres pratiques. Mais il y a des graffitis personnels et spontanés, dans les ascenseurs ou les toilettes publiques. Ils expriment la révolte et sont en quelque sorte la réponse, dysphorique, aux slogans, euphoriques (Voir chapitre suivant). À bas la calotte! écrivait-on dans le métro au siècle dernier. Le dessin, lui, sera simplement obscène. On dialogue aussi. Au slogan des affiches électorales, les dissidents peuvent ajouter à la main leur réaction. Ex. Sous le nom du parti UDQ, quelqu'un griffonne, comme en écho : "mon Q". Ce sont des épanchements individuels et somme toute naturels.

Se confier à une page blanche est plus raffiné. Non moins spontané, si aucun lecteur possible n'est entrevu.

Le journal intime.

Non destiné à la publication, bien qu'il s'en publie de nos jours et même du vivant de l'auteur (Paul Léautaud, Julien Green, André Gide, Soeren Kierkegaard), le journal intime a commencé avec le romantisme, parce qu'il suppose un effort de réflexion, une prise de conscience. Il tire d'ailleurs son origine de la direction de conscience (XVIIIe siècle) et se prolonge aujourd'hui dans la cure psychanalytique. Connaissez-vous des personnes qui tiennent un journal intime? Rédiger ses souvenirs, est-ce tenir un journal intime?
Réaction 12


Le journal intime se distingue de l'autobiographie parce qu'il décrit moins des événements extérieurs que des intentions et des états d'âme. Il s'agit donc d'une écriture momentanée, analytique, très subjective, d'un exorcisme (Michaux), qui libère des pulsions. Le roman personnel, les souvenirs, ou le banc d'essai littéraire sont-ils encore du journal vraiment intime?
à cause d'extrême minceur je passe / à cause d'une minceur qui dans la nature n'a pas d'égale [il a pris de la mescaline] / le courant léger, omnipotent m'a dépouillé / mes déchets ne collent plus à moi / je n'ai plus de déchets / purifié des masses / purifié des densités / tous rapports purifiés dans le miroir des miroirs / éclairé par ce qui m'éteint / porté par ce qui me noie / je suis fleuve dans le fleuve qui passe (Michaux, Paix dans les brisements). Le texte relève du genre «journal intime» par ______.
1 la conscience de sa création
2 une quasi-présence des idées
3 l'intériorisation
4 l'intervention de l'égo transcendantal
Réaction 13


Le propre du journal intime, ce qu'il est le seul à offrir, en tant que genre expressif (quoique non littéraire), c'est une sorte d'abandon à l'incertitude, à l'ambiguïté existentielle. C'est dans le journal intime seulement que l'on peut s'abandonner à ses émotions jusqu'à en découvrir les causes et, du fond de la déconstruction généralisée qu'elles peuvent avoir suscité, se réinventer et modifier jusqu'au coeur de sa propre vie.

Dans le journal intime, on se trouve un interlocuteur qui ne risque pas de dévoiler vos secrets mais qui peut s'amuser à vous contredire (auto-ironie). Une conversation permettrait au contraire de représenter des opinions divergentes et de proposer des synthèses.

Mais peut-on considérer la conversation comme un genre?
Réaction 14


Elle est très naturelle comme le cri ou le journal intime. Ce n'est pas un genre littéraire.

La conversation.

Si la conversation est à la fois un genre et quelque chose de très spontané, de tout à fait naturel, tout échange verbal constituera-t-il une véritable conversation?
Vous avez entendu votre fille dire à sa copine :«Alors, c'est entendu, ne viens pas.» Or elle vous déclare :«Je me demande si elle viendra». Vous vous faites la réflexion suivante : ________.
1 Elle sait mentir!
2 Elle a pu lui dire ça pour la laisser plus libre.
3 Veut-elle me monter un bateau? Que manigancent-elles?
4 Elle cherche à savoir si j'écoute ses conversations.
Réaction 15


Une véritable conversation commence quand chacun des intervenants a du temps devant soi, et son importance dépend parfois de la durée prévue. Mais doit-elle se dérouler de façon organisée, prévisible?
Réaction 16


Elle a un caractère improvisé. Son déroulement varie selon le nombre et la personnalité des participants mais également d'après les thèmes abordés. Il n'y a pas de plan fixé. Une conversation se fait «à bâtons rompus». L'alternance des tours de parole est aussi imprévisible que la durée des répliques. L'intensité et le volume de la voix dépendent à chaque instant de la volonté collective d'écouter et de la volonté individuelle de se faire entendre. Il y a même place dans une conversation générale pour des sous-conversations à mi-voix. Le ton y est plus familier.

La part du signifiant physique (sonore, mélodique, gestuel) est prédominante (voir ci-dessous les procédés typiques).

Du point de vue de l'énonciation, la conversation ne suit-elle pas certains principes (rester dans la visée collective, favoriser une image du moi, respecter une image de l'autre)?
Réaction 17


La pragmatique de la conversation montre qu'elle se déroule selon certains schémas préétablis. La transgression répétitive de ces règles peut saborder la conversation. Grice fait dépendre ces «maximes conversationnelles» d'une sorte de méta-principe, le principe de coopération : «que votre contribution conversationnelle corresponde à ce qui est exigé de vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptée de l'échange parlé dans lequel vous êtes engagé». «Il y a aussi bien sûr toutes sortes d'autres règles (esthétiques, sociales ou morales), que les participants observent normalement dans les échanges parlés» (Grice, 1979, p. 62).

Tout individu, dans l'interaction conversationnelle, cherche à sauver ses «faces» («face négative» = besoin de défendre le territoire de son moi; «face positive» = besoin d'être reconnu et apprécié par autrui. Kerbrat-Orecchioni, 1986, p. 229 sq.)

Mais tous les locuteurs sont-ils donc censés pouvoir décoder à plusieurs niveaux, percevoir les allégations implicites, les valeurs défendues ou compromises, les degrés d'ironie, de convention polie, de méchanceté ou de tendresse?
Réaction 18


Les lois de discours interviennent dans le processus interprétatif des interlocuteurs, essentiellement pour l'identification des contenus implicites (sous-entendus, valeurs illocutoires dérivées, tropes communicationnels, etc.) C'est souvent sur la base d'un contenu implicite que s'effectue l'enchaînement d'une réplique à l'autre, celle de l'interlocuteur venant réfuter, contester, ou simplement commenter un présupposé ou un sous-entendu contenu dans l'énoncé précédent.

La conversation a-t-elle une fonction sociale?
Réaction 19


Elle constitue un tissu langagier grâce auquel les membres d'une communauté non seulement communiquent quotidiennement, mais encore assurent leur appartenance au groupe. Cette fonction est intégrative comme différenciative puisque son absence manifeste l'exclusion de ceux qui n'appartiennent pas au groupe. Par la conversation, l'individu construit sa face sociale, mesure son insertion dans la société. D'autre part, elle peut aussi avoir une fonction psychologique, servir d'exutoire pour l'émotivité et l'agressivité.

La conversation est-elle un genre littéraire?
La prosopopée, qui consiste à faire parler les absents ou les morts, caractérise le style élevé ou sublime. Mais d'autres figures mettent en scène l'interlocuteur, notamment le dialogisme. Celui-ci ________.
1 fait parler deux interlocuteurs réels, naïvement. Il appartient au style familier.
2 adresse la parole à un interlocuteur, directement. Il relève du simple.
3 donne la parole à un interlocuteur fictif et relève du tempéré.
4 met en scène deux interlocuteurs fictifs et relève du châtié.
Réaction 20




Une mise en forme attentive donne à la forme conversationnelle valeur de genre littéraire sous le nom de dialogue. Martin du Gard (1881-1958) présente ses dialogues, dans Jean Barois (1913), comme des dialogues de théâtre, avec annonce des locuteurs et disparition des intervalles narratifs.

Mais la littérature contemporaine, le nouveau roman surtout, doit davantage au monologue intérieur. Il fait même un effort délibéré pour briser le dialogue romanesque traditionnel, qu'il considère comme inséparable du scientisme didactique du XIXe siècle.

Les lauriers sont coupés d'Édouard Dujardin sont le premier roman en "monologue intérieur" (1925). En voici un extrait. La carte. Poissons, sole... Bien, une sole. Entrées, côte de pré-salé... non. Poulet... soit. --- Une sole; du poulet; avec du cresson. --- Sole; poulet-cresson. Ainsi, je vais dîner; rien là de déplaisant. Voilà une assez jolie femme; ni brune ni blonde; ma foi, air choisi; elle doit être grande; c'est la femme de cet homme chauve qui me tourne le dos; sa maîtresse plutôt; elle n'a pas trop les façons d'une femme légitime; assez jolie, certes. Si elle pouvait regarder par ici. Comment se définit le monologue intérieur?
1 Comme un monologue non prononcé.
2 Comme du discours direct libre.
3 Comme une libération du discours romanesque par rapport à l'énonciation traditionnelle, entièrement ramenée au personnage.
4 Phrases courtes, souvent nominales ou interrompues, à la première personne du singulier.


Connaissez-vous d'autres types de conversation ou de dialogue?
Réaction 21


Depuis Sarraute et Beckett sont apparus en outre la «sous-conversation» et la «parlerie». Il s'agit de fixer dans l'écrit ce qui s'esquisse dans le «magnétophone intime» (comme dit M. Butor).

Et il est apparu récemment un autre mode de conversation écrite, le chat (anglicisme, prononcer /tchat'), qui se pratique en direct, à distance, par Internet. Au lieu d'échanger des messages, les participants disposent d'un même écran sur lequel chacun peut intervenir par un mot-phrase, voire une simple retouche, ou en ajoutant un commentaire, à son tour repris et amendé. On écrit au son, avec des allographes (ex. : KC pour cassé; a2main = à demain).

Procédés typiques de la conversation.

On peut changer de sujet, couper la parole, voler les mots de la bouche, détourner l'attention, créer une diversion (au prix d'un coq-à-l'âne), avoir un trou de mémoire, penser tout haut, avoir un mot sur le bout de la langue (ou sur le bord de l'oreille, quand on a risqué le malentendu), monopoliser le crachoir, aborder un sujet brûlant, avoir une discussion, un différend, répliquer, riposter du tac au tac, avoir une altercation, clouer le bec, nier, contredire, hausser le ton (ou le baisser), affirmer, détacher les syllabes, changer de rythme, accélérer son débit (ou le ralentir). Et puis faire des effets de voix, émettre un grognement (d'approbation). Le phonage est une émission de voix destinée à maintenir le contact sans plus. La ligature consiste à commencer une nouvelle phrase, quitte à la laisser en suspens, ce qui empêche les autres de reprendre la parole. Ce qu'il faut comprendre est souvent exprimé par le ton (prédicat mélodique). Il y a aussi les intonations allusives. AaaAAh! Et la mélodie circonflexe (J'allais te le diiiire!) Sans compter les accents d'insistance, les soulignements, les accents énergétiques, les interjections et les quasi-interjections (brrwk).

Ces procédés ont-ils une propriété commune?
Réaction 22


Les procédés de la conversation sont ceux de la plus grande liberté. Ce qui compte est le naturel. L'accent amer, pathétique, le trémolo même sont possibles mais à placer à bon escient.

Ne faudrait-il pas transcrire alors davantage l'aspect oral du texte? Supprimer les e muets par exemple?
Réaction 23


La question du e muet est délicate dans une transcription fidèle de l'oral. Indiquer les phénomènes sonores courants (aphèse, aphérèse, apocope, syncope, crase, consonne muette finale) serait excessif et diminuerait la lisibilité. N'en indiquer aucun ne rendrait pas compte de la réalité. Il faut donc choisir ce qui est typique (...c'qui est typiqu') sans aller jusqu'à une reproduction plus exacte, trop déroutante (...skyè tipik).

Autre question, mais parallèle : la bifurcation syntaxique. Faut-il transcrire tous ces débuts de phrase indéfiniment recommencée?
Réaction 24


Tout dépend de l'image que l'on veut donner du locuteur. Une ou deux bifurcations suffisent à marquer le style oral. La brachylogie (raccourci évident) est acceptée.

Et les fautes? Et les erreurs de prononciation, de langage, d'information? Est-ce admis?
Réaction 25


Les défauts sont permis : le vague, la distraction, le doute... Pas tous, pourtant. On évite, sauf besoin exprès, le monologue, l'enchevêtrement, le dialogue de sourds, le ton pédant ou gnangnan, la rencontre muette, l'échange purement intuitif, la communication différée, l'ajournement.

Les amoureux ont-ils des conversations?
Réaction 26


Une conversation intime, un tête-à-tête, est propice aux épanchements, tendres propos, qui opèrent un rapprochement (étudié en proxémique), augmentent la chaleur de l'amitié ou de l'amour. La confiance va jusqu'à autoriser la caresse vocale (trouver du plaisir dans les inflexions et le timbre), et l'autoréflexion (avouer ce qu'on se dit à soi-même). En lieu public, ce sera à mi-voix, sur un ton feutré, quoique clairement toutefois, pas dans un murmure indistinct. C'est l'atmosphère de la confidence. On peut conter fleurette, faire de l'esprit. Inutile de tout dire. On s'entend à demi-mot. Il y a le geste allusif. Même le silence est éloquent.

N'y a-t-il pas des questions muettes, des demi-questions, des assertions exploratoires? (Est exploratoire une pensée ni sienne ni vraie, donnée rien que pour voir comment réagiront les autres.)
Réaction 27


Certes. Et il y a aussi place pour l'interrogation délibérative (qui cache un ordre), la «question de trop» (parce que la réponse va de soi), l'interrogatoire (comme si on avait le droit de tout savoir), l'attaque inattendue, à brûle-pourpoint. Pour se défendre, il y a le mépris (apodioxis), le faux-fuyant, la réponse de Normand (ni oui ni non), la pseudo-banalisation (déguiser ce qui est excellent en le présentant comme normal) et même la perspective simulée (feindre d'adopter un point de vue qu'on juge aberrant pour mieux pouvoir s'en jouer).

Et l'humour? A-t-il une place dans les conversations?
Réaction 28


Entre amis, dans les groupes, l'humour est du meilleur ton. On lance une boutade, une galéjade, une «vanne». On ne se prive pas d'en raconter une bien-bonne. Des sentiments violents se manifesteront, et avec éclat. Rebuffade, raillerie, persiflage. Les racontars, les cancans peuvent provoquer un charivari. Potins, commérage, papotage, menus propos, babil, verbiage, baratin...

La diversité des niveaux de langue est bienvenue : langage familier, jargon, argot, patois. Même la vulgarité, à la rigueur... La gauloiserie. Et les injures, les mots grossiers. Mais dans l'apostrophe, il y a place aussi pour les mots doux, les compliments, les flatteries, qu'on déguise adroitement en reproches (astéisme), les taquineries, qui recouvrent aussi des éloges (charientisme), les antiphrases, où tout le monde sent que c'est le contraire qu'il faut comprendre. Pas de réel danger à se montrer bête et méchant. C'est le règne du contre-euphémisme. On conjure les tiroirs cachés de la politesse euphémisante. Et le lapsus révélateur a peut-être ainsi une chance : celle de passer inaperçu!

La spontanéité, signe de confiance réciproque (ou d'excès de confiance en soi) autorise l'absence d'ordre («brioche»), les associations libres (chacun dit ce qui lui est suggéré par le contexte).

L'entretien est-il une conversation comme les autres?
Réaction 29


Un entretien sera plus raisonnable et plus calme. Pas d'agressivité, même plus d'esprit de contradiction (celui qui se plaît à se faire l'avocat du diable, à trouver le point faible, la bête noire, la moindre objection possible ou impossible). Il prend le temps d'établir ses visées et ses raisons, avec une préférence pour ce qui met en cause les interlocuteurs, notamment l'argument ad hominem et son jumeau, l'ad personam (ils sont souvent confondus, mais le second table surtout sur la bonne volonté, il se rapproche de l'argument ad populum, alors que l'autre table sur l'image et le rôle, il se rapproche de l'argument ad verecundiam, l'antique "vergogne", le respect humain).

L'éthos comme le pathos jouent ici un grand rôle. On cherche un consensus même si on se contente de se découvrir des atomes crochus. À l'image de soi s'ajoute d'ailleurs le souci de l'image de l'autre. L'entretien se termine par un épiphonème sentencieux («Et dire que...»)

Ou bien on fait la causette. De quel genre d'entretien s'agit-il?
Réaction 30


Dans la causette (qui est loin de la causerie), inutile de craindre la banalité, les images d'Épinal, le leitmotiv. On versera dans les idées à la mode, on répétera les titres de la presse récente, on tombera dans le poncif (vérité universelle). Il y a les formules consacrées, les salutations d'usage, les tournures de politesse, les locutions idiomatiques, les proverbes, dictons, clichés. Place à la séduction, à la captation, à un excès de zèle, d'ailleurs feint (affectation, parenthyrse, larmes de crocodile). C'est le moment des plaintes, des reproches, des justifications, voire de l'apologie personnelle, de l'autocritique aussi, qui n'est pas nécessairement sincère. Tout se termine par des adieux, des promesses de se revoir, des rendez-vous.

La correspondance.

On considère souvent la correspondance comme une conversation différée et mise par écrit. Pourtant, la transcription d'une conversation ne donne pas un échange de lettres. Quelle est la différence?
Réaction 31


La différence est dans le rythme des échanges, dans l'étendue de chaque prise de parole, et dans le caractère privé de la communication. Par lettre, on prend le temps de s'expliquer. Comme c'est du texte, qui sera lu in absentia, les circonstances de temps et de lieu sont énoncées, le scripteur est nommé, le destinataire aussi. Mais surtout, chacun sait que la communication a bénéficié de tout l'espace requis pour se faire détailler explicitement. On est invité à aller naturellement et d'un coup jusqu'au bout de sa propre pensée.

Y a-t-il une différence entre une vraie "lettre" et un simple message, par exemple sur Internet?
Réaction 32


Le message est le noyau de la lettre. Dans les lettres d'affaires, la différence est ténue, puisque, quelques formules de politesse mises à part, tout est déjà dans le simple message. Dans la correspondance privée, en revanche, tout est dans le développement, qui peut s'étendre et se détailler au détour du récit des événements récents, présentés sous un angle personnel, ou par le biais d'explications psychologiques et morales, voire religieuses ou philosophiques.

De tels détours, avec un grand étalage de succès récents ou de voyages en perspective, ou de bagage culturel admirable, sont-ils recommandables?
Réaction 33


C'est une question de dosage et donc cela dépend de ce que le correspondant souhaite, comme des intentions du scripteur. La règle à suivre ici est simple. Mieux vaut éviter ce qui ne sert pas à valoriser chacun des participants, ou, pour présenter les choses de façon positive, ce qui est bon, dans la correspondance privée, est ce que l'on a plaisir à dire et à lire, sans arrière-pensée.

La lettre d'amour est-elle alors un bon exemple de correspondance privée?
Réaction 34


On ne voit pas de meilleur exemple, ni de plus fréquent du reste, et elle répond à la définition. On y ajoute la lettre d'amitié, plus occasionnelle, et la lettre d'affection, intermédiaire entre les deux précédentes (liens familiaux).

Mais le sentiment n'est pas tout. On peut y adjoindre de la réflexion, voire de la recherche. Quelle est la propriété de la conversation et de la correspondance quand elles abordent de graves sujets?
Réaction 35


C'est de déférer la certitude. Au lieu de démontrer, comme dans une dissertation, ou de chercher à convaincre, on pose une question, on peut donner son avis, ou fournir de l'information, mais on garde une relation d'égal à égal donc on ne prouve ni ne décide : on laisse à l'interlocuteur l'initiative de traiter le problème à sa manière. C'est cela, déférer la certitude. On fait confiance à son interlocuteur autant qu'à soi, on feint de s'en remettre à son jugement (ou bien on le fait sincèrement). La forme interrogative est privilégiée.

Il reste quelques autres genres très spontanés. Auxquels pensez-vous?
Réaction 36


Nous avons vu jusqu'ici des genres naturels (spontanés) qui apparaissent aux origines (cri, exclamation, juron, insulte, mots doux) et dans les relations interpersonnelles (conversation, correspondance, entretien) ou relation à soi (journal intime, méditation, monologue intérieur, endophasie). Il reste à dire quelques mots des discours de circonstances (épithalame, chanson bachique, éloge, célébration, apologie, compliment, portrait, oraison funèbre, laïus), et des jeux de société, des jeux de mot, de l'humour.

L'éloge.
Il leur fit tout un ______ du candidat qu'il voulait faire engager, mais les autres se méfiaient.
1 dithyrambe
2 générique
3 panégyrique
4 (Selon le sens)
Réaction 37


Systématique, l'éloge tourne à la confiture. C'est un genre qui a pourtant de solides raisons d'être dans les échanges courants, tant oralement que par écrit. On peut y rattacher les souhaits ("bonne journée", "bonnes vacances") et les encouragements ("excellent travail", "bien joué"). Il aime les grands mots et les formules toutes faites ("génial"). Il craint la faute et adopte un style soutenu ("Veuillez agréer, Monsieur le surveillant, l'expression de mes sentiments respectueux").

Comme genre littéraire, l'éloge semble avoir perdu ses lettres de noblesse, sous l'influence d'abord du réalisme, puis de l'existentialisme, mais il se maintient, en alternance avec la dénonciation des abus.

A propos des histoires de criminels : «La littérature moderne ne saurait par quel bout prendre de telles histoires, pour les raconter. Et c'est là ce qu'il faudrait faire si on était hardi. [...] Il y a [...], pour le romancier, tout un genre de tragique inconnu à tirer de ces crimes [...] C'est ce genre de tragique dont on a voulu donner ici un échantillon, en racontant l'histoire d'une vengeance [...] dont rien n'appartient à l'invention de celui qui l[a] raconte, si ce n'est la manière de l[a] raconter.» Barbey d'Aurevilly, la Vengeance d'une femme, dans les Diaboliques.
1 Éloge de soi. L'auteur exprime un jugement très favorable sur lui-même.
2 Ethos. Il laisse entendre sa propre supériorité.
3 Forfanterie. Il veut dépasser les autres.
4 Auteur présent. L'auteur indique la part qui lui revient dans la création.


Supposons que dans votre domaine, il y ait des sujets d'insatisfaction : l'éloge peut-il être ironique? Peut-être vaut-il mieux qu'il soit toujours tant soit peu humoristique?
Réaction 38


Ironique, il tourne au persiflage; humoristique, il garde ses distances vis-à-vis de la réalité. Aborder les qualités, c'est aussi ouvrir la porte à la critique. Celle-ci est-elle incompatible avec l'humour?
Que faut-il penser de la manière dont Érasme, "le prince des humanistes", présente, dans le passage suivant de son Éloge de la folie, la leçon publique d'un théologien à la mode. Pour établir combien sa science était raffinée, il s'engagea dans une voie vraiment nouvelle. Il parla de l'alphabet, des syllabes, des parties du discours. Il déduisit que la Sainte Trinité se trouve tout entière figurée dans le rudiment des grammairiens. Un exorde si neuf stupéfia tellement les auditeurs que les théologiens notamment furent bien près de subir le sort de Niobé. Véritablement il y avait là de quoi rire.
1 Le portrait est conforme aux modèles officiels de l'éloquence religieuse "gothique".
2 La description reflète les préjugés d'Érasme sur l'Église au XVIe siècle.
3 Caricature un peu biscornue.
4 Persiflage, ironie badine.
Réaction 39


Elle tourne facilement au vinaigre et, pour la tempérer, il faut beaucoup d'humour, ce qui donne un autre genre littéraire fort intéressant : la satire...

Le portrait.

Le portrait est un genre classique qui concentre son attention sur un tiers.

Il donne des renseignements sur l'être d'un personnage, réel ou fictif.

Le personnage de ______ offre trois aspects très dissemblables. Comme roi, c'est un réformateur sage et modéré. Comme époux, c'est "l'adorateur de mille objets divers" qui le rendent inexistant, en tant que père.
1 Thésée
2 Énée
3 Tarass Boulba
4 Ulysse
LIGNIèRE. -- Magdeleine Robin, dite Roxane. Fine. Précieuse. CHRISTIAN. -- Hélas! LIGNIèRE. -- Libre. Orpheline. Cousine de Cyrano (E. Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 2)
1 Mot de présentation.
2 Éthopée (portrait moral, étude de caractère).
3 Énumération non systématique.
4 Fiche matrimoniale.


Il peut prendre la forme de la prosopographie, de l'éthopée, du dialogue, du monologue, du récit d'actions, de la description d'un habitat ou d'un décor, etc. Est-ce un genre spécifique ou bien entre-t-il dans divers genres?
Réaction 40


Il semble entrer dans divers genres sans appartenir à aucun en particulier ni se constituer de figures inévitables. Il apparaît aussi bien dans le genre judiciaire que dans le genre épidictique, dans le discours de l'historien que dans celui du dramaturge et du romancier, dans les textes argumentatifs ou littéraires. Il pose des problèmes de localisation. Qu'est-ce qui, dans l'Éducation sentimentale, constitue le portrait de Frédéric Moreau? Le personnage est construit par toutes les phrases prononcées sur lui et par lui. L'on pourrait alors définir le portrait comme un lieu du texte ou comme un texte caractérisé par une densité telle de renseignements que le lecteur peut se faire une idée complète d'un personnage.

Le portrait est facilement caricatural. Il se fait alors dans un «esprit tendancieux» (Freud) visant à discréditer un personnage-cible et à faire de son destinataire le complice de la dépréciation. Quels sont les marques du portrait caricatural?
Réaction 41


Celles de la subjectivité affective et axiologique négative : termes et connotations péjoratifs, suffixes dépréciatifs, adjectifs et syntagmes qualifiants dévalorisants, injures, etc. Le procédé typique de la caricature est la synecdoque de la partie pour le tout. Elle permet de soumettre les sujets observés à toutes sortes de distorsions. Par ce procédé, on appelle au premier plan un aspect partiel mais marquant d'une physionomie, on la met en perspective jusqu'à identifier le sujet avec ce trait, ce qui justifie l'emploi de la synecdoque en position prédicative.
Baudelaire n'avait jamais beaucoup aimé Musset. Il lui reprochait ses mines, son lyrisme. Il détestait ses luths, ses harpes, sa façon d'étaler sa douleur, ses états d'âme à tout vent. Et l'insupportait, plus que tout, la manière qu'il avait de poser, malgré l'âge qui venait, à l'éternel "enfant du siècle". (B.-H. Lévy, les Derniers Jours de Charles Baudelaire, p.111.)
1 Portrait.
2 Caricature.
3 Réduction aspectuelle.
4 Prosopographie.
Réaction 42


Si la satire prend le pas sur l'éloge, c'est aussi à cause du désir d'ajouter toujours à l'information déjà disponible, et donc de trouver des lacunes à combler. Mais la critique est facile. L'art est difficile.

«La mouche est si bien organisée qu'elle a pu assidûment fréquenter l'homme depuis des millénaires, sans être mise à la porte, ni mise à travailler. Le tout sans se gêner et ne cherchant nullement, comme le chat à feindre d'être apprivoisée.» Michaux, Passages.
1 Bestiaire. On brosse un portrait de l'humanité en le transposant dans le monde animal.
2 Personnification. Un animal est doué d'une personnalité.
3 Transposition. On s'exprime avec les termes d'un autre domaine.
4 Focalisation. On voit les choses du point de vue de la mouche.
Ponge fait le portrait de la chèvre... Il écrit: Belles, par ailleurs, et butées Ou, pour tout dire, belzébuthées
1 Procédé comique. Jeu de mots sur les sonorités.
2 Allusion mythologique avec effet de baroque.
3 Mise en résonnance des mots avec la chose.
4 Le mot fait apparaître le visage de la chèvre.


Suffit-il qu'il soit insolite pour que le portrait se voie élevé à la qualité de texte littéraire?
Réaction 43


Non, mais l'insolite suffit à créer des devinettes.

La devinette.

C'est un jeu de défi amical. Elle consiste aussi à poser une question. Mais la réponse existe déjà, avec sa pertinence, qui doit être inattendue, comme jadis les énigmes que posait au voyageur le Sphinx. On met l'auditeur au défi de deviner.

Exemple. Pourquoi vaut-il mieux enlever ses lunettes pour passer un alcootest?
Réaction 44


Cela fait toujours deux verres en moins... Glissement de sens. On pose une devinette pour faire de l'esprit. S'il n'y avait pas de glissement, serait-ce encore une devinette? Pourquoi refuser une deuxième tournée quand on doit prendre le volant? Ce serait une question, simplement; et la réponse est évidente. Ce n'est pas une devinette.

Quel est l'oiseau qui peut voler à reculons?
Réaction 45


L'oiseau mouche (ou colibri). Une simple question ne suffit pas. Il faut une attrape. Ici, il n'y en a pas.

La devinette peut-elle aussi prendre la forme d'un problème?

Devinette. Qui est en retard parce qu'il est en avance? Réponse. Les auditeurs de Radio-Canada dans les Maritimes. Explication. Le soleil arrive là 1h. avant d'arriver à Montréal. On y est donc en avance. Et on y pratique l'heure avancée de l'Est. Mais la radio est à l'heure montréalaise. Elle diffuse donc 1h plus tard dans les Maritimes.
1 Évidemment... Tout dépend du point de vue.
2 Absurde. Incompréhensible.
3 Le temps se mesure en heure et dépend des fuseaux horaires.
4 (Autre chose)


Il y a trois pommes sur une assiette. Tu en retires deux. Combien t'en reste-t-il?
Réaction 46


Trop facile. Mais la réponse n'est pas une. Ce ne serait pas une devinette. Il y a une attrape. La bonne réponse est deux. Pourquoi? Parce qu'il te reste celles que tu as retirées (trouvé sur un site appelé Gamin).

Évidemment, ici, le tu est factice, c'est une sorte de on, ce qui occulte la bonne réponse, et c'est là que se fait le glissement. Une attrape révèle souvent un aspect structurel de la langue ou de la pensée.

Il suffit souvent d'un jeu de mot, paronymie ou synonymie; notamment dans les charades. Pas si "mon premier est la première lettre de l'alphabet", ce qui est évident; mais si "mon premier et mon second sont des assassins", par exemple (Vic - tor; parce que vic tue ailles et que tor tue).

Quel est le cri de la fourmi?
Réaction 47


Elle cro-onde (vu que four micro-onde). La formule usuelle a été revisitée, relue en d'autres mots. C'est le langage cuit des surréalistes. Référence : http://multiloisirs.online.fr/carambar_2.htm

Savez-vous pourquoi Gounod et Verdi ne s'entendaient pas? Parce que, quand Gounod a fait l'Ave Maria, Verdi a fait Othello (laver Maria - ôter l'eau). La devinette avec jeu de mot est trop tirée par les cheveux pour avoir de la pertinence, à moins qu'elle ait en outre une certaine actualité.

La forme de la devinette est celle de toute question ou problème mais il y a des formes plus traditionnelles que d'autres. Quelle différence y a-t-il entre un singe et un filou? Aucune car ils ont tous les deux la police au derrière (peau lisse). Quel est le comble pour un médecin? Examiner son crayon pour voir s'il a bonne mine. Qu'est-ce qui fait 999 tics et un toc? Un mille-patte avec une jambe de bois. Pourquoi une souris ne pose-t-elle pas de devinettes? Pour ne pas devoir donner sa langue au chat. Je suis noir, je suis rond, je suis tombé dans l'autobon, qui suis-je? Un bouton.

L'attrape est quelquefois qu'il n'y en ait pas. Pourquoi les flamants roses dorment-ils sur une seule patte? Parce que s"ils levaient les deux, ils tomberaient. C'est la devinette déceptive. On cherche l'inattendu et il surgit du fait qu'il n'y en a pas.

La devinette politique déborde de sens allusif, au contraire. En Russie, c'est presque un sport national.
Le Français revanchard, que dérange le flot des touristes bavarois: "Savez-vous pourquoi, en France, les routes sont bordées d'arbres? Pour que les Allemands soient à l'ombre quand ils nous envahissent." Le comique de la devinette est dû à ________.
1 un truisme
2 un non-sens
3 une pseudo-simulation
4 une allusion
Réaction 48


Allusive, la devinette est pleine d'humour.

L'humour.

L'humour a un aspect spontané, proche du jeu.

Prenez cette offre d'emploi. Que signifie-t-elle? Ce qui est publié (colonne de gauche) ou ce que pense le lecteur désabusé (colonne de droite)?
1. Joignez-vous à une entreprise dynamique, en pleine expansion.
2. Le candidat doit être capable de respecter les échéances.
3. Doit être disponible pour faire un peu de temps supplémentaire.
4. Tâches variées.
5. Doit être minutieux.
6. Cherchons des candidats désirant faire carrière dans notre entreprise.
1. On n'aura pas le temps de te donner de formation. Va falloir que tu te débrouilles tout seul, et vite!
2. Ça fait longtemps qu'on aurait dû engager quelqu'un, mais on était trop débordé. Tu vas être six mois en retard dans ton travail en arrivant.
3. Un peu le lundi soir, un peu le mardi soir, un peu le mercredi soir, un peu le jeudi soir, un peu le vendredi soir et un peu les week-ends.
4. On cherche un bouche-trous. N'importe qui dans le bureau peut te donner des ordres.
5. Nous n'avons aucun contrôle de qualité mais si on a un problème, ce sera de ta faute.
6. Si t'es une fille, tu dois être célibataire, sans enfants et tu ne dois pas en vouloir.


La norme officielle est euphorique. Le point de vue critique est dysphorique. L'humour jaillit du contraste. Que ce soit le réel qui fait surface par l'humour ou l'idéal qui est rappelé avec ironie, dans les deux cas, la norme est mise à contribution par l'humour.

À titre d'exercice, voici la suite de l'offre d'emploi ci-dessus. En masquant l'une des colonnes, vous tentez de reconstituer ce qui peut se trouver dans l'autre.
7. Envoyez votre curriculum vitae par la poste ou par courriel. Aucun appel ou visite s.v.p.
8. Nous recherchons un candidat avec expérience variée.
9. Doit posséder une bonne capacité de résolution de problèmes.
10. Aptitudes à diriger requises.
11. Doit posséder de bonnes capacités de communication.
7. Ca ne donne rien de faire acte de candidature : on a déjà comblé le poste avec un parent ou un ami du patron. L'offre d'emploi est juste pour faire semblant que n'importe qui aurait pu être engagé. Elle permet de contourner les normes du travail et les exigences syndicales.
8. Tu vas remplacer trois personnes.
9. Notre compagnie n'a aucune structure et tu seras constamment dans les problèmes.
10. Tu auras les responsabilités d'un directeur avec la paye et la reconnaissance d'un stagiaire.
11. Lorsque le boss te demande quelque chose, tu dois être capable de deviner ce qu'il veut vraiment.


On pourrait montrer que l'humour remet en jeu toutes sortes de règles : linguistiques, logiques, hiérarchiques (dans l'armée, l'administration, la société), juridiques, éthiques et sacrées...

En voici un exemple qui porte sur la langue.
Du temps de Molière, le traitement le plus courant était la saignée, pour les malades à revenus modestes, autrement dit sans gain. (L.-M. Tard, Si vous saisissez l'astuce, p.12.
1 Jeu de mot.
2 Galéjade.
3 Boutade.
4 Calembour.
Au XVIIIe siècle, la noblesse française avait la passion des mots d'esprits. On cite comme exemple de calembour la répartie du marquis de Bièvres, à propos de quelqu'un que le désespoir amoureux avait conduit à se jeter dans un puits. «C'est se conduire comme un fou!» avait-on commenté. Bièvres répliqua: «Dites plutôt ...comme un sot.»
1 Homonymie (sot-seau).
2 Calembour (allusion à un homonyme).
3 Jeu de mot.
4 Bon mot.
Réaction 49


Au XVIIIe siècle, la noblesse française avait la passion des mots d'esprits.

Mais voici un exemple qui porte sur la bonne logique.
Souvent il est fatal de vivre trop longtemps. (Racine)
1 Nigauderie.
2 Bon mot.
3 Taureau irlandais.
4 Non-sens
Réaction 50


Les régimes totalitaires se voient contestés par des blagues dont la mode se répand d'autant plus largement qu'elles sont plus nécessaires.

Les Vietnamiens racontent que la devinette suivante fut posée à Ho Chi Minh : "Est-il possible de s'asseoir sur un hérisson?" --- En principe non, aurait-il répondu, mais il y a trois exceptions : si on rase le hérisson, si on fait asseoir un autre à sa place et si le parti l'ordonne.
1 Adynaton.
2 Bien-bonne.
3 Charade.
4 Burlesque.


Il suffit d'ajouter quelques exemples assez connus de blagues sur les gouvernants, le sexe ou les bondieuseries pour voir que les domaines qui suscitent l'humour sont très exactement ceux des genres normatifs: la politique, l'éthique et la religion. De là à définir l'humour comme une manière à la fois de remettre en question et de populariser les normes qui régissent la société, il n'y a qu'un pas! Seriez-vous d'accord avec une telle définition?
Réaction 51


Sans doute. Sans vouloir pour autant réduire toutes les blagues à des contenus précis. Chacun fait ses choix et d'aucuns rient plus vite, plus fort ou plus facilement que les autres. Même les blagues qui font rougir ou pâlir, parce qu'elles creusent plus profondément dans la sensibilité, obligent à une prise de conscience de notre vulnérabilité. Et quant aux platitudes, assez répandues, elles ont rarement un réel succès.

Mais l'humour a aussi quelque chose de collectif et se divise selon les nations ou les régions qui y ont attaché une plus grande importance, à commencer par l'Angleterre, où est né le sens actuel du mot (au XVIIe siècle).

L'humour anglais est souvent un art de la réplique, par laquelle le vaniteux est remis à sa place. Ex. Le pasteur écossais, au joueur de cornemuse de son village : -- Alors, mon brave, c'est payant, votre instrument à vent? -- Mon Révérend, sur ce point-là... c'est vous qui l'emportez de beaucoup.

Les variétés sont aussi nombreuses que les régions du Royaume-Uni, et comprennent le quartier populaire de Londres, qui a son dialecte : le cockney. Ex. -- Trois couronnes pour un voyage en fiacre de deux personnes et un bébé qui vient à peine de naître! -- C'est un bébé qui veut avoir toute une vie de grande générosité!

Il prend un aspect sentencieux. À propos d'une veuve autrefois trompée et maintenant trop prompte à se consoler, Oscar Wilde explique : « Les jeunes voudraient être fidèles et ne le sont pas - les vieux voudraient être infidèles et ne le peuvent pas. »

On n'est pas loin de l'esprit français, qui rayonna sur toute l'Europe au temps de Talleyrand, un des hommes d'esprit les plus cités outre-Manche. On a dit de lui que, s'il avait fait fortune, c'est qu'il avait vendu tous ceux qui l'avaient acheté.

Quelles sont les autres nations dont l'humour est célèbre?
Réaction 52


Nous retiendrons l'humour juif, le slave, le belge, l'américain et l'africain. À quelle nation rattacher l'anecdote suivante? Le cireur de chaussures devant la banque se fait demander par un ami une somme à prêter. Il l'envoie en face : -- Vois-tu, c'est que j'ai un accord avec la banque. Ils ne cirent les chaussures à personne et moi je ne prête à personne.
Réaction 53


Humour juif. Mondialement célèbre, il se caractérise par un raisonnement à la fois ultra-logique et strictement réaliste. En voici un autre exemple, qui ajoute à ses caractéristiques une auto-ironie sans pitié, également typique, parce qu'il est pratiqué par les juifs eux-mêmes. (On dirait qu'ils se plaisent à se dévaloriser, ce qui n'est pas sans rapport avec leur adoration d'un dieu Tout-Puissant.)

-- Ma femme couche avec Lord Lester. -- Comme je te plains! -- Mais moi, je couche avec Lady Lester. -- Chanceux! -- J'ai déjà deux enfants de lui. -- C'est affreux! -- Mais lui a deux enfants de moi. -- Alors, vous êtes quitte! -- Comment cela?! Moi, je lui fais des lords et lui, il me fait des juifs!

L'humour russe est tout différent et il joue un rôle dans la circulation des opinions. Depuis 1920, c'est ce qui a permis au gens ordinaires de se défouler en dénonçant le régime. Ils expliquaient par exemple l'existence de magasins d'importations réservés aux membres du parti en disant que certains citoyens étaient "plus égaux que les autres". Autre ex. Concours d'humour à Moscou. Premier prix : vingt ans. [de travaux forcés, évidemment]. Autre ex. : Marx se présente à la télé et demande à pouvoir passer en direct. Le Bureau du parti, alerté, le lui accorde, mais pour une minute seulement. Il apparaît à l'écran et, d'une voix désolée :"Prolétaires de tous les pays... excusez-moi".

L'humour africain, c'est encore tout autre chose. Il se caractérise par le réalisme, et une bonne humeur inaltérable. Les statuettes qui représentent des colons les montrent vêtus selon leur fonction (soldat, juge, notaire, père missionnaire) mais toujours "les deux mains dans les poches". Autre ex.: Un homme se rend compte qu'on vient de lui voler son portable. Il demande à quelqu'un dans la foule de bien vouloir composer son numéro. Aussitôt, il entend son téléphone sonner ...dans la poche du policier qui devait l'aider à le retrouver.

L'humour belge est apprécié en France ou au Canada du fait qu'il se moque surtout des Belges eux-mêmes, de leur bêtise, de leur "simplicité" comme on disait autrefois.
Deux Belges en vacances à Paris regardent des cygnes sur le lac du Bois de Boulogne. Soudain, un homme s'approche d'eux et leur demande: - Vous en avez admiré combien ? - Cinq, répond un des Belges. - Alors, fait l'homme, comme c'est dix francs par cygne, cela vous fera cinquante francs!
Le soir, de retour à l'hôtel, les touristes racontent leur histoire au réceptionniste, qui s'exclame: - Mais c'est de l'escroquerie! - Oui! triomphent les deux Belges. En fait, on en avait vu douze !


Ces deux touristes sont dans un contexte plausible pour eux, mais les deux suivants?
Deux touristes belges en vacances dans le grand Nord ont abattu un renne. Ils le traînent vers leurs voiture en le tirant par la queue sur la glace. Un Esquimau arrive et leur dit: -- Mais vous le tirez dans le mauvais sens !
Par la queue c'est plus difficile car l'animal est à rebrousse-poil. Tirez-le par les bois, vous verrez que c'est plus facile! Et les chasseurs repartent. L'un d'eux s'exclame: - C'est vrai que c'est plus facile , mais en tirant de ce côté on s'éloigne de la voiture !


Ces deux-là sont-ils dans leur contexte normal? Il y a un humour ethnique : chaque nation semble avoir sa tête de Turc (sa cible favorite). Au Québec, ce sont les voisins de l'Est, Terre-Neuve, qui sont désignés par leurs initiales anglaises (NF pour Newfoundland), les newfies (pron.: nioufiiz). Ainsi voit-on les blagues "belges" se faire traduire en diverses langues, en changeant la nation cible. Rien ne dit que le renne ci-dessus n'ait pas été d'abord traîné sur la neige par des newfies. Ainsi se développe dans un style unique un humour de la tête de pipe collective, d'expansion internationale, dont les blagues deviennent interchangeables. Quelle est l'origine probable de la blague suivante?

A quoi reconnaît-on un newfie dans un groupe de charmeurs de serpent ?

- C'est le seul qui souffle dans le serpent.
Réaction 54


Ni Terre-Neuve, ni la Belgique. Les charmeurs de serpent indiquent assez une origine orientale, probablement indienne. Les Canadiens comme bien d'autres colportent des histoires moqueuses, quitte à modifier les cibles.

Mais voici encore un autre type d'humour.
L'auto Sans Essence (fonctionnement garanti). Les roues de derrière sont deux fois plus grandes que celles de devant, de sorte que l'auto est en pente perpétuelle.


Il s'agit de l'auto Stoopnagle, du pseudonyme de son inventeur, l'humoriste F. Chase Taylor. L'humour américain tend régulièrement vers le non-sens. Ex. Snoopy, le chien de Charlie Brown dans la bande dessinée Peanuts. Il se voit dans tous les grands rôles de la culture occidentale : du base-ball à Beethoven.

L'humour québécois, dont voici un exemple, a-t-il quelque rapport avec le précédent?
Olivier Guimond déridait quelquefois son public en mimant l'ébriété. Une de ses boutades: entrer en scène en titubant, avec une cigarette brisée entre les lèvres. «Je ne sais pas ce qui s'est passé. Le trottoir m'est tombé dans la face». Le comique obtenu repose sur ______.
1 un non-sens
2 une métonymie
3 une hypallage
4 un adynaton
Réaction 55


Suffit-il de définir le non-sens par l'effet qu'il produit? Comment parvient-il à le produire? Il nous semble que deux conditions inverses sont requises. Le caractère absurde vient d'une impossibilité -- physique ou logique, parfois pragmatique -- mais il est renforcé par un maximum de vraisemblance, quelque chose qui impose l'énoncé malgré tout. C'est du contraste entre les faits et leur explication que naît à la fois le comique et l'aspect irréfutable, nécessaire, qui équilibre l'absurde et lui enlève sa gratuité. Ex. «On baisse le rideau pendant sept jours pour montrer qu'une semaine s'est écoulée.» (Ring Lardner, I Gaspici, cité par Robert Benayoun, les Dingues du non-sense, p.159). Y a-t-il ici quelque chose d'absurde et cependant d'irréfutable?
Réaction 56


Le public ne restera pas là à attendre, mais la durée à représenter est bien de sept jours. On néglige les exigences du public pour se plier à celles de la réalité. Une des dimensions de la communication est rejetée (le temps du public) et une autre est imposée (la réalité à représenter).

L'absurde est d'autant plus efficace qu'il est plus totalement gratuit. Dans le théâtre de Ring Lardner, rien ne tient ensemble. Certains personnages ne parlent pas. D'autres ne paraissent même pas en scène. Dans les Nénuphars, après le premier acte, on annonce ensemble ACTES II ET III. Ensuite, une parenthèse avertit que ces deux actes "ont été supprimés, parce qu'il ne semblait pas s'y passer grand-chose". Au milieu de l'acte V, on baisse puis on relève le rideau "pour voir s'il fonctionne". À la fin de la pièce apparaissent deux cailles "chargées de nénuphars". Ne trouvant rien à dire ni à faire, "elles veulent rejouer toute la pièce mais cela paraît inutile. RIDEAU."

Non-sens? Dans laquelle de ses définitions (ci-dessus)?
Réaction 57


D'abord, certes, la première, car le premier "sens" assignable est bien de décontenancer n'importe quel public. La seconde, ensuite, dans la mesure où l'absurde est en même temps motivé. Car il arrive qu'il le soit. Ainsi, le titre est mentionné dans le texte, peu avant la fin, après quoi des cailles, personnages, apportent sur scène les plantes aquatiques (sèches ou dégoulinantes?) Mais Lardner évite toute trace de lien entre les parties. C'est la gratuité pure qui semble son objectif premier.

Peut-être devrait-on s'interroger moins sur la nature de tels textes que sur le cadre culturel ou le milieu économique dans lequel ils ont été florissants et qui les a rendus possibles. Les lecteurs du Saturday Evening Post à Chicago en 1925 étaient-ils maniaques, ou ne serait-ce pas plutôt qu'ils étaient capables de rire de leurs propres normes, ultraréalistes, et qu'ils sentaient le besoin de les remettre en question? Faire le succès d'une telle représentation, pour des capitalistes (car ceux-ci sont nommés comme tels dans la liste des personnages sans jouer pourtant le moindre rôle sur scène -- on peut penser qu'ils sont donc dans la salle), est-ce faire preuve d'une ironie supérieure? Le public surréaliste se montre-t-il habituellement capable de se tourner vers soi et son avenir avec une aussi large ouverture d'esprit?
Réaction 58


À chacun de s'éprouver dans ce type de situation. Qu'est-ce qui nous fait rire? Un Lardner passe pour n'avoir pas même esquissé un sourire de toute sa carrière, mais un Robert Benchley, lui, ne faisait que rigoler. Ils passent tous deux pour des humoristes magistraux. C'est tout de même que leur public a su trouver chez eux la remise en question des structures universelles (logique, pragmatique, réalité) auxquelles il croyait ferme. La gratuité fait apparaître les liens qu'elle dénoue. Il y a dans le non-sens une exploration structurale large. Lardner dénoue les liens élémentaires plus radicalement que tout autre humoriste. Ne devrait-il pas inquiéter plus encore que faire rire?
Réaction 59


C'est un rire de défense. En voyant le réel se dissoudre, on reconstruit en riant. On se souvient seulement ensuite d'avoir bien ri. Peut-être les Français et les Américains aiment-ils le non-sens pour des raisons symétriques mais inverses. Les premiers y dépassent les limites de leurs idées, qui s'en trouvent redélimitées; les seconds y dépassent leur attachement au réel, qui s'en trouve réanalysé. Dans les deux cas, le rôle respectif du concret et de l'abstrait est redessiné.

Les procédés humoristiques.

Si les différents genres d'humour sont liés à l'esprit des Nations, leurs procédés les distinguent plus profondément encore, bien qu'ils permettent de faire des rapprochements. Pourrait-on observer des points communs entre l'esprit français et l'humour anglais?
Ceux que leurs ailes de géants empêchent de voler. Prévert s'inspire ici de Baudelaire. Quel est, dans cet extrait, le procédé central?
1 La parodie.
2 Le non-sens.
3 L'allusion littéraire.
4 L'humour.
Réaction 60


Les procédés de l'humour sont donc souvent proches de certains défauts. C'est le cas du taureau irlandais.
Présentant à la télévision un programme de dessin animé, je dis que Félix le chat, créature pensive, était souvent représenté la tête entre les mains, les bras derrière le dos. (Robert Benayoun, le Taureau irlandais, p.59)
1 Incohérence.
2 Humour involontaire.
3 Taureau irlandais.
4 Dissociation.
Réaction 61


La perle est justement le défaut qui fait rire. Il en existe des collections, venues des cancres (plusieurs recueils signés Jean-Charles). Signalons aussi les bourdes des profs, sur le site

http://perso.club-internet.fr/an_sofi/lycee/lycee_I.html

Les meilleurs écrivains n'en sont pas exempts comme on le voit dans le recueil suivant : BECHTEL, Guy et Jean-Claude Carrière, Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement.

Le non-sens ne dispense pas d'être aux aguets, comme on va le voir.
Étant donné deux points A et B situés à égale distance l'un de l'autre, comment faire pour déplacer B sans que A s'en aperçoive? (Jean Tardieu)
1 Syzétèse (position du problème)
2 Pseudo-supposition.
3 Paradiastole.
4 Perle.
Réaction 62


L'humoriste américain, comme le surréaliste, ne recule pas devant l'horreur pour en rire.
Willie tombe dans l'ascenseur / Et n'y est découvert qu'au bout d'une semaine. / Les voisins, reniflant, s'écrient : / Quel enfant gâté, ce Willie! (Willie est un personnage de Harry Graham dans ses Poèmes sans loi pour foyers sans coeur)
1 Limerick.
2 Paire et maire.
3 Humour noir.
4 Sadisme.
Réaction 63


L'humour africain a sa manière bien à soi de conjuguer le comique et le tragique.
La guerre ce n'est pas bon, ce n'est pas bon Quand viendra la guerre tout le monde affamé, oh! (...) Le footballeur ne va plus footer, pousser le ballon Les joueurs cadavéré Les arbitres cadavéré Le sifflet cadavéré Même le ballon cadavéré. Quel est, dans cet extrait d'une chanson de Zao (Ancien Combattant), le procédé le plus typique de l'humour africain?
1 Épiphore.
2 Pensée apocalyptique.
3 Pati-poince.
4 Pleurer-rire.
Réaction 64


La caricature prend diverses formes.
En 2020, il n'y aura plus assez d'argent pour les retraites à cause des vieux qui refusent de mourir.
1 Illogisme.
2 Irrévérence.
3 Carnavalisation.
4 Ironie voltairienne.
Réaction 65


Mais qui fait les frais de la dénonciation, au juste?
--- Votre bébé mange un journal. --- C'est pas grave. C'est le journal d'hier.
1 Réponse à côté.
2 Impassibilité.
3 Pince sans rire.
4 Mise en boîte.
Réaction 66


Il y a toujours un malentendu.
Ces deux gags de Pierre Dac auraient-ils qqch. de commun? --- Pendant la canicule, nombre de personnes s'écrient :"C'est effrayant, il y a 35 degrés à l'ombre!" Mais qui les oblige à rester à l'ombre? --- En hiver, on dit souvent :"Fermez la porte, il fait froid dehors!" Mais quand la porte est fermée, il fait toujours aussi froid dehors.
1 Réponse à côté.
2 Décontextualisation.
3 Subversion.
4 Redélimitation implicite.
Réaction 67


Le malentendu s'appuie évidemment sur une logique imparable.
Les Pensées de Pierre Dac sont-elles des bons mots? Ont-elles du contenu? En voici deux : --- Ceux qui ne savent rien en savent toujours autant que ceux qui n'en savent pas plus qu'eux. --- L'avenir, c'est du passé en préparation.
1 Hyperlogicisme.
2 Hyper-généralisation.
3 Relation repensée.
4 Humour pataphysique.
Réaction 68


La simulation est une comédie en raccourci.
Dans les mots croisés, je ne me contente pas d'utiliser des mots que ne comportent aucun dictionnaire, encore me faut-il en utiliser qui n'existent pas dans la langue. Par exemple (...) un xixophoile est le moment d'hésitation qui sépare l'énoncé d'une plaisanterie et l'éclat de rire correspondant. Ces mots surgissent régulièrement au bas des colonnes, une fois le reste du mot croisé complété. (F. Chase Taylor, Vous ne me connaissez pas d'Adam)
1 Cataglottisme.
2 Erreur simulée.
3 Déclaration simulante.
4 Ostranénie.
Réaction 69


Ces quelques procédés permettent de se faire une idée plus précise des méthodes disponibles pour la fabrication de mots d'esprit, mais ils sont loin de permettre de passer à l'action. Les exemples réunis sont des réussites remarquables, difficiles à égaler. Or c'est plutôt à partir de maladresses, et de ses propres erreurs, qu'on peut apprendre.

APPLICATION.

Exercices de rédaction.

Huit genres brefs (une ligne environ).

1. Exclamation.

2. Insulte.

3. Graffiti.

4. Échange verbal dans une conversation.

5. Phrase tirée d'une lettre.

6. Humour.

Ce sera réutilisable dans le travail final. (Indiquer brièvement de quelle façon).

Réaction 70


Nous avons entrepris une présentation rapide des genres par champ. Le prochain module abordera les genres pratiques, utilitaires.

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